jeudi 26 août 2010

Réflexions marocaines

Maintenant qu'on est rentrées ches nous, j'avais envie de partager quelques réflexions marocaines, quelques éléments observés là-bas qui ont changé mon regard sur certaines choses.

Le fameux voile

Je ne parlerai pas ici du voile intégral, car j'ai moi-même du mal à me faire un opinion. Je parle plutôt du voile porté sur la tête pour cacher ses cheveux.

Chez nous, à l'extérieur du monde musulman, la question du voile déclenche les passions. Nous avons appris qu'en France, les petites filles n'ont pas le droit de le porter à l'école. Dans une société où les femmes se sont battues et se battent encore pour obtenir un statut égal à celui de l'homme, le voile est perçu comme le signe visible de l'infériorité de la femme dans la religion musulmane. Il est associé au crime d'honneur, au mariage forcé, à la soumission de la femme par son mari.

Pourtant, j'ai l'impression qu'une grande partie du problème vient de l'extérieur de l'Islam. Oublions toute la symbolique que nous attachons au voile. Les femmes n'ont pas le droit de montrer leurs cheveux en public. Et alors? Dans notre culture, il n'est pas acceptable pour une femme d'aller seins nus, tandis que les hommes peuvent être torse nu dans certains contextes. Est-ce si différent? Au Sénégal, j'ai vu des femmes qui passaient leurs journées seins nus sans que ça ne gêne personne. Pourtant, ici, ça ne se fait pas. Qui va s'indigner que le port d'un chandail est une obligation imposée par les hommes et qu'elle montre la domination de l'homme dans la culture occidentale? Mais personne! Obligeons les femmes à cesser de porter un chandail et elles se sentiront nues, exposées au regard. Cela ne doit pas être si différent par les femmes immigrantes à qui on retire le droit de porter le voile dans certains endroits publics dans certains pays comme la France. Le voile est aussi un objet de coquetterie, une pièce de vêtements qui fait que la femme se sent belle, comme notre coiffure ou le maquillage, ou nos chandails et blouses... Je me suis même demandé si les petites filles arabes regardaient avec envie leur maman se voiler un peu comme les petites filles chez nous regardent leur maman se maquiller!

Au Maroc, j'ai donc eu l'impression que le voile en lui-même n'est pas problématique. En vase clos, il n'aurait pas à être choisi ou imposé, il serait porté comme une chose toute naturelle, comme nous portons tous nos vêtements. Je crois que les problèmes arrivent lors du choc avec la culture occidentale. Au Maroc, la culture occidentale fascine et effraie. Or, chez nous, les femmes ne portent pas le voile. C'est au contact de notre culture que le port du voile est remis en question par certaines femmes. Et c'est aussi en réaction à notre culture que le voile peut devenir une chose imposée par les hommes à leur femme ou leur fille de peur de les voir commencer à agir commes des "occidentales libérées". Le voile devient un symbole fort et commence à porter beaucoup plus que son poids...

Question de langues

LA langue arabe n'existe pas vraiment. Il y a un arabe scolaire qui est enseigné à l'école. Il y a aussi un arabe dialectal différent selon les pays et les régions. L'arabe marocain est différent de l'arabe libanais et de l'arabe égyptien. Dans certains cas, des Arabes de différents pays vont arriver à se comprendre, mais dans d'autres, ils devront utiliser l'arabe scolaire pour communiquer. Cet état est accepté, reconnu et nous a été expliqué par beaucoup de gens rencontrés au Maroc.

En me faisant répéter sans cesse par les Français rencontrés que nous avions un accent (et pas eux, bien entendu!), après que beaucoup de gens nous aient pris pour des anglophones en raison de ce même accent et après avoir écouté Bienvenue chez les Ch'tis en Bretagne, je me suis dit que le français n'est pas si différent de l'arabe. Il y a un français scolaire officiel que nous apprenons à l'école et qui est assez homogène à travers la francophonie. Il y a ensuite des français qui peuvent être très différent selon l'endroit d'où on vient. Ensuite, il est plus ou moins facile de se comprendre entre les différents français selon leur origine et la bonne volonté des locuteurs! Bref, je me disais seulement que ça devrait être officialisé et reconnu comme tel et qu'on arrête de chercher LE bon français! Les Français en France ne parlent pas mieux que nous!

Petit cochon
Pour terminer, une petite révélation cocasse que j'ai eue. Rachid, notre guide marocain, nous expliquait que les familles dans son village se gardaient souvent une ou deux chèvres ou moutons avec eux au village pendant qu'ils envoyaient le reste du troupeau dans la montagne. Ainsi, s'ils avaient besoin d'argent rapidement, ils n'avaient qu'à vendre la bête. C'est donc leur réserve d'argent. J'ai eu un éclair de génie. « Ah! C'est pour ça que nos tirelires, ce sont des cochons! C'est de là que ça vient! »

Geneviève

dimanche 22 août 2010

Montréal, 5h20 du matin

Geneviève ajoute sa marque en italique...

Nous sommes maintenant à Montréal depuis jeudi dernier. Aujourd'hui on est dimanche et il est 5h20 du matin. C'est ça, le décalage horaire. Notre premier matin à Montréal, on s'est levées à 5h15 pour faire du ménage et se réapproprier notre appartement!

On ne vous a pas raconté grand chose de la fin du voyage ! J'y vais dans le désordre, mais vous suivrez quand même, n'est-ce pas ? Vous pardonnerez nos silences de plusieurs jours, je l'espère. On a plein de choses à vous raconter et Geneviève est en train de préparer des statistiques intéressantes, dont on vous présentera un échantillon prochainement... Ça, c'est en plus des photos qui s'en viennent ! Bref, ne désespérez pas... Enfin, trève de promesses, je vous raconte notre retour !

On a quitté l'appartement de Camille et Cindy, dans la banlieue sud de Paris, pour l'aéroport Paris-Orly, aussi au sud de Paris, vers midi moins quart. On a traîné nos monstres de sacs sur les étroits trottoirs, attirant les regards perplexes des gens qui jasaient devant chez eux, travaillaient à rénover des façades ou allaient tout bonnement acheter leur baguette du matin (ou des petits pains au chocolat, la-laï-la-laï-la ! Aimée est incapable de dire "pain au chocolat" sans la suite msicale!). Pendant le trajet de bus, une station blanche a omis de faire son angle mort et a failli nous rentrer dedans. Dans le bus, les passagers retenaient leur souffle jusqu'à ce que le chauffeur décide de klaxonner. Ça s'est passé un peu au ralenti. Sous l'effet du coup de klaxon, la station blanche s'est replacée dans la bonne voie. Soupirs et jurons de soulagement dans le bus.

À Orly, on a cherché un peu et attendu pas mal. Dans un souterrain menant à l'aéroport, on a croisé une femme mi-assise, mi-couchée par terre et à moitié endormie, avec quelques pièces devant elle. J'ai arrêté Geneviève quelques mètres plus loin, dans un tournant : « T'sais, nos cannes de pâté... Ça serait quand même mieux que de les jeter, hein ? » En faisant nos sacs une ultime fois, on n'avait pas pensé à nos conserves de pâté. On les avait prises pour la randonnée en Bretagne, laquelle a été écourtée pour cause de foulure de cheville. On n'avait jusque-là plus pensé à ces conserves, jusqu'à ce qu'on soit dans le bus et qu'on constate qu'il faudrait les jeter, parce que ça serait un maudit paquet de troub'e pour passer aux douanes canadiennes. Je les sors du sac de Geneviève et je prends aussi la conserve de keftas de sardines qui nous reste du Maroc. Je vais les lui donner. Le sourire que j'ai reçu en échange, je ne l'oublierai pas. J'ai cru entendre un "inch Allah" à travers une bénédiction en arabe. C'est resté un de mes plus vifs souvenirs de la fin du voyage. Je sais pas si vous le savez, mais en ce moment, c'est le Ramadan. C'est apparemment la période religieuse la plus importante de l'Islam. Ça s'étire sur un mois et c'est l'occasion de nombreuses festivités et rencontres. Être sans-abri pendant le Ramadan, ça doit être à peu près la même chose que d'être sans-abri à Noël.

On a pris l'avion : 7h10 de vol. J'aime pas prendre l'avion. L'atterrissage s'est fait vers 17h30. Une heure plus tard, on retrouvait nos familles. Entre temps, j'ai dû présenter des explications sur le bout de corne de chèvre que je ramenais, oui, de la corne de chèvre... J'avais ramené une flûte berbère à Geneviève. Y'avait un bout de corne de chèvre dessus... C'était une demie surprise (elle savait qu'il y avait une surprise, mais elle ne savait pas quoi). Surprise bousillée. Les douaniers ont quand même été gentils, Geneviève a pu avoir sa flûte.

Vers la Bretagne
En quittant Lyon (vous vous souvenez ? Lyon, on vous en a parlé !), on s'en allait vers la Bretagne. Je sais pas si vous visualisez les points sur la carte, mais ça revient grosso modo à traverser les trois quarts de la France. À Lyon, on cherchait le moyen le plus économique de se rendre. On a considéré le co-voiturage, mais pas de téléphone portable, c'est vachement compliqué. On a fini par opter pour un trajet de train bizarrre : Lyon-Tours, Tours-Nantes, pause d'une nuit, Nantes-Quimper, Quimper-Brest ! Tout ça en TER (les trains pas rapides, qui sont aussi, sans surprise, les moins chers). Entre Lyon et Tours, on a eu droit à un contrôle d'identité par les gendarmes, puis aux chiens qui cherchaient manifestement du kiff (du pot, en d'autres termes). Dans le wagon d'à côté, une fille s'est fait prendre avec son petit ziploc. À la gare suivante, la gendarmerie, qu'on a vu agir de façon très professionnelle et sans abus, a débarqué la prise du jour : 3 ou 4 personnes. L'épisode m'a fortement marquée. On a réalisé que si quelqu'un avait eu quelque chose à cacher, que nos packsacs auraient été une cible facile, parce qu'on ne les avait pas à l'oeil. Voyez-vous, c'est difficile de caser deux sacs de 60 litres dans un train pas mal plein tout en les ayant à l'oeil. Bref, ils voyageaient souvent un wagon avant ou après nous.

À la gare de Brest, Christine nous attendait. Elle nous a fait faire un petit tour de la ville, puis on est rentrées chez elle et on a fait connaissance avec Alain, son mari, et Marion, leur fille aînée. Pour la première fois depuis des mois, on a entrevu le téléjournal. En trois mois, j'ai lu un seul journal (Monde diplomatique, en attendant Caroline à la gare de Casa) et pas regardé la télé. On a soudain eu l'impression que le monde s'écroulait. Incendies en Russie, inondations au Pakistan, etc. Être remis en contact avec le téléjournal après plusieurs mois d'ignorance de ce qu'on appelle pompeusement « l'actualité » donne vraiment un petit frisson surréaliste. On a soupé, on a parlé, on a regardé des photos et des dessins. Eux aussi ont voyagé pas mal et on a pu échanger sur le Maroc et le Québec. Apparemment, la Jordanie, c'est très intéressant aussi. Le lendemain, on a pique-niqué sur une grève près de Brest. Il faisait très soleil. Alain a fait goûté une palourde crue à Geneviève, qui a trouvé ça gluant. Le soir, on a mangé des crêpes, bretonnes, évidemment ! L'accueil de Christine et de sa famille a été chaleureux. Vive CouchSurfing.

On a quitté Brest pour Roscoff, où nous attendait Gurvan. Roscoff est une ville où une proportion importante [Geneviève, quels sont les chiffres exacts ? - 300 personnes y travaillent pour une population de 3000 personnes] de la population travaille au centre de recherche scientifique (biologie marine, si j'ai bien compris). Gurvan y travaille. Roscoff a du charme avec son port, sa vieille église et ses maisons de pierre. Même le centre de recherche est beau. Roscoff a été notre point de départ pour partir rouler (on a loué des vélos, pour mon plus grand bonheur !) sur l'île de Batz, en face de la ville. On mettra des photos. Il y a des champs, presque pas de voitures, de très jolies maisons et la mer. Et beaucoup de touristes aussi, mais ça, on n'y échappe pas souvent. De Roscoff, on est aussi parties faire un tronçon de GR34, qui est un sentier côtier. On était parties pour 3 jours, mais à la deuxième journée, au matin, Geneviève s'est foulé la cheville sur une dénivellation de 3 cm... allez, peut-être 4 et demi. On a vu tellement plus rocailleux et pentu comme sentier, et c'est là qu'une cheville se tord ! C'est un peu absurde, mais l'absurdité à du bon. Sur la côte bretonne, près de Moguériec, il y a des maisons partout. Je n'ai eu qu'à marcher quelques minutes pour parler à Mme Le Duc, qui m'a permis de laisser un pack sac chez elle en attendant que je revienne avec Geneviève et l'autre pack sac. En émoi, Mme Le Duc a même appelé son voisin, un Breton bien bâti, qui s'est amené vers nous avec ses bottes de pluie et sa vareuse rose poour proposer de transporter Geneviève : « J'ai une brouette, aussi, si vous préférez. », a-t-il proposé à la blague - blaguait-il vraiment?. On a pu appeler, un peu gênées, Gurvan, qui avait certainement beaucoup d'autres choses à faire que le taxi, mais qui est venu quand même. Ce soir là, j'ai préparé des pâtes avec une béchamel aux pétoncles (achetées dans le port, vivantes et avec les coquilles), oignons et champignons en guise de merci.

En Corse, on avait rencontré Gérard et Évelyne, deux Bretons. Gérard avait lu le blogue tout l'été et vu qu'on avait écrit à partir de Nantes. On a donc reçu une invitation pour Rennes, qu'on a acceptée avec plaisir ! On a donc pu visiter un peu le centre historique de Rennes. Géard et Évelyne m'ont montré le bâtiment où Dreyfus a été jugé et condamné, j'en ai été impressionnée. C'est pas que le bâtiment soit particulièrement impressionnant, mais surtout que j'étais comme troublée de me trouver devant ce lieu-là. Ça faisait un peu comme marcher sur les Plaines d'Abraham. En après-midi [Oups ! J'ai accidentellement publié le message... Une chance que je peux le modifier...] on est allés tous les 4 à Saint-Malo, fort jolie ville où il y a même 6 drapeaux québécois et une Maison du Québec... Sous plusieurs aspects, la Bretagne, c'était comme rentrer à la maison ! D'abord, on était, entre Brest et Rennes, « à la maison » - quel bonheur, après plusieurs semaines de nomadisme -, puis la Bretagne ressemble un peu à ce qu'on a de côtes par chez nous. Après St-Malo, on est allés sur la côte, voir la plage préférée de Gérard et Évelyne (magnifique plage très peu achalandée...) et Pointe au groin (Grouin, Aimée!), dont on a de magnifiques photos. Soyez patients. On est ensuite allés vers une ville où se fait la culture des huîtres ! À marée basse, ça ressemble vaguement aux usines de Sauron. On y a mangé des moules. Mhh. C'est bon, la Bretagne... Le beurre salé, le caramel salé, c'est ça aussi qu'Aimée aimait!

Le lendemain matin, on repartait assez tôt pour Paris. C'était déjà le 16 août. Un autre long trajet de train. On a retrouvé Camille et Cindy, qui nous avaient déjà hébergées le 17 mai, au tout début du voyage. Dans le métro, j'avais l'impression que tout recommençait. C'était comme passer « Go » au Monopoly.

Au sujet de la tour Eiffel, Geneviève m'a dit : « C'est juste un gros boutte de métal laite, pis les gens y trouvent ça beau parce qu'il sont supposés trouver ça beau. » Je n'ai pas trouvé la tour Eiffel particulièrement moche. Je ne l'ai pas trouvée particulièrement belle non plus, mais Geneviève, je l'ai trouvée vraiment drôle... Geneviève a le don d'enchanter certains moments banals et d'en désenchanter d'autres, pour mon plus grand bonheur, même si parfois on en voit de toutes les couleurs. En fait, elle les ré-enchante, à sa manière. Si Geneviève ré-enchante, moi je re-dessine. Pour son plaisir, j'ai transformé, en quelques coups de crayons, la tour Eiffel en immense girafe, en gros chat et en madame-qui-fait-tomber-tout-le-monde-par-sa-beauté. Je scannerai peut-être les dessins, si j'ai le temps. Oui!

À Paris, on aussi visité un Musée très bien fait, celui du Quai Branly. Des collections d'objets de plusieurs cultures différents y sont présentées. Dans l'exposition permanente, les objets sont organisés par continent. Le Musée est encore neuf et c'est bien fait, mais à voir autant d'objets là, on se dit qu'il doit en rester bien peu ailleurs et que les peuples à qui ça appartient doivent se sentier bien dépossédés. Il ne s'agit pas de peuples éteints (ex. : les Romains), mais de peuples qui vivent toujours. Des Yupi'it, par exemple, y'en a encore, dans le nord...

Le 18, j'avais prévu visiter le Louvre, seule. Geneviève préférait faire autre chose. Déjà, à la station de métro Palais Royal et Musée du Louvre, y'a du monde, mais quand on va vers les guichets, c'est pire encore. J'ai vu de loooooooongues files un peu partout, aux différents poins d'entrée. « Tant pis », que je me suis dit. J'ai un peu dessiné dehors en mangeant ma demie baguette et mon chèvre, avant d'aller marcher dans le Jardin des Tuileries, juste à côté du Louvre. Dans le Jardin des Tuileries, y'a le Musée de l'Orangerie, et dans le Musée de l'Orangerie, y'a les Nymphéas de Monet... Et en-dessous des Nymphéas, à l'étage en-dessous, il y a plein d'autres tableaux... du Gauguin, Matisse, Picasso, du Douanier Rousseau, beaucoup de Derain et d'autres. Le plus merveilleux, c'est qu'il n'y a même pas de file pour rentrer et que personne ne se pile sur les pieds, une fois à l'intérieur.

Le même soir, Camille, Cindy, Geneviève et moi avons pris le métro pour les Champs Élysées. On a cru, pendant quelques minutes, qu'on ne sortirait jamais des labyrinthes de la station, mais, oui, on a fini par sortir ! Dehors, l'Arc de triomphe était beau. Les spots l'éclairaient et la nuit était encore d'un beau bleu, entre le marine et le cyan. Un beau jaune nuit sur un beau bleu nuit, c'est beau. En descendant les Champs Élysées (et non pas sur la colline), j'ai sifflé la chanson du même nom. (Avez-vous vu le jeu de mots ? Oh que je me trouve drôle, à 7h15 ce matin...) Paris la nuit, c'est tranquille. On a vu l'ombre d'une statue de Charles de Gaulle marcher sur la façade d'un bâtiment célèbre et important, je ne sais plus lequel - Le grand Palais. Paris la nuit, c'est une autre perspective. La tour Eiffel est moins laide une fois illuminée ;)


Aimée

mardi 17 août 2010

Aïcha et Fatima au pays des Berbères (suite)

Un peu en retard, voici nos dernières photos et histoires du Maroc.

Dans la vallée des Aït-Bougmez, nous avions rencontré deux Français qui habitaient au Maroc et qui y faisaient de la randonnée. Il nous restait 2 journées à remplir à la fin du voyage et nous ne savions pas exactement quoi en faire. Nous leur avons donc demandé conseil et ils nous ont suggéré un gîte en montagne dans la vallée de l'Ourika. Cette vallée est située à moins d'une heure de voiture de Marrakech. Nous avons donc contacté Rachid, le propriétaire et nous y sommes rendues en grand taxi.

Arrivées à Oulmès, un village de la vallée, nous avons rapelé Rachid pour qu'il vienne nous rejoindre. En effet, son village est situé dans la montagne et nous ne pouvions nous y rendre seules. Il nous dit "Je viens. Ca prendra entre 1h30 et 2h." Nous nous installons donc dans un petit casse-croûte et nous prenons une boisson gazeuse chacune. Il y a du trafic dans ce petit village! C'est que la vallée de l'Ourika est près de Marrakech et il y fait beaucoup moins chaud. Les gens y viennent prendre le frais et se baigner en famille. En regardant passer lentement les files de voiture, nous attendons. 1h, 1h30. Ah! Un homme avec une mule! Est-ce lui? On ne dirait pas... 2h, 2h30... C'est long! Aimée va rappeler. "Ah! Je viens. Attendez-moi là sans bouger." Ils ont un peu de mal à se comprendre au téléphone, car Aimée doit insérer une pièce chaque 15 secondes. Cling! Cling! Elle perd 3 mots chaque fois! On se fait regarder croche par le patron du casse-croûte, alors on va s'asseoir au bord de la route. 3h, 3h30. Aimée est découragée. Elle se demande si on s'est fait avoir. Doit-on chercher un hôtel? Ceux du coin ont l'air miteux! Retourner à Marrakech? Non! Devant son désespoir, je propose de rappeler. "Je suis vraiment désolé du retard. Je suis là dans 5 minutes. Je m'excuse, c'est parce que ..." Le téléphone coupe avant que je rajoute ma pièce. Tant pis, j'ai compris l'essentiel. 10 minutes plus tard, il arrive enfin!

Avant d'entamer la marche ver le village, Rachid achète un sandwich et un Coca-Cola qu'il partage avec nous au bord de la rivière. Il nous parle un peu de lui. Rachid est un jeune homme de 35 ans qui adore son village. Sa famille y habite depuis 12 générations! Il s'y est marié et a maintenant 3 enfants. Il est allé à l'école seulement 4 ans car, à cette époque, il fallait marcher très longtemps pour s'y rendre. Le reste, français inclus, il l'a appris par lui-même. Il est très taquin et aime particulièrement agacer Aimée! Il n'est pas guide de montagne officiel, mais il nous prouve son sérieux en nous demandant quelle eau nous buvons et en nous disant qu'il nous en ferait bouillir chez lui.

On charge la mule avec nos sacs à dos, puis on commence l'ascension vers son village appelé Tizi n'Oucheg. Ca nous prendra 1h30, mais les gens du village, eux, le font en 40 minutes. La lumière du soleil qui descend révèle un paysage magnifique, entre le rouge de la terre, le vert de la végétation et le bleu du ciel. Wow!


Sur cette photo, on voit une partie du village. Tizi en berbère signifie "col".








Aimée, qui a peu dormi et peu mangé, traîne les pieds. Elle manque cruellement d'énergie, mais arrive heureusement jusqu'au village où elle se repose pendant que je vais profiter du soleil couchant pour aller prendre mes photos!



Le batiment qu'on voit est la nouvelle école. En bas, on voit des champs cultivés.

Il faisait bon se balader dans ce village où bien peu de touristes mettent les pieds! C'était beau, serein. On entendait rire, chanter dans les champs. C'était un village vraiment vivant et accueillant! Tellement accueillant qu'on a décidé d'y passer une journée entière le lendemain pour qu'Aimée puisse se reposer.

Le soir, on a fait la connaissance de la femme de Rachid, Saadiya. On a aussi rencontré ses trois enfants: Fatimsaha 10 ans, Hemza 3 ans et Mariam 1an et demi. C'était une famille vraiment charmante!

Le lendemain matin, on a fait du lavage. Fatimsaha est venue nous montrer la rivière où les femmes lavent le linge et on s'y est installées. En riant de nous, des femmes nous ont montré comment faire comme elles. C'était rafraîchissant et un bon moyen d'entrer en contact avec ces femmes qui ne parlaient que le berbère! Plus tard, quand nous sommes allées nous balader, il y avait toujours quelqu'un pour faire un bout de chemin avec nous. Une fille de notre âge nous a aussi invitées à prendre le thé. A travers nos quelques mots berbères, leurs quelques mots français et les gestes, nous arrivions à une communication très basique avec de nombreux malentendus!

Le lendemain, nous sommes parties en excursion pour 2 jours avec Rachid et Hussein, un muletier. Nous avons gravi le plateau du Yagour, 900m de dénivelé. Avec la mule qui porte les sacs, c'est quand même beaucoup plus facile! La montée a été longue, mais nous l'avons prise à notre rythme et ça s'est très bien passé. Au sommet, nous avons traversé un endroit qui sentait fort l'encens. Je ne sais pas quelle était cette plante, mais la sensation d'être dans une église en pleine nature était spéciale! Arrivés au campement, Hussein nous a préparé un tajine pendant que nous montions les tentes. Nous nous sentions un peu mal à l'aise avec le luxe d'une tente cuisine, du muletier-cuisiner et du guide pour nous toutes seules, mais c'était quand même très agréable!

Après le repas, un orage est arrivé. Nous sommes allées nous réfugier sous des rochers de la falaise. Aimée s'est même endormie en écoutant la pluie...

Après l'orage, nous sommes allés explorer ce plateau. Les gens de Tizi n'Oucheg et de plusieurs autres villages y font paître leurs moutons et leurs chèvres durant l'été. On y trouve aussi des gravures rupestres du néolithique. Ce qui est particulier, c'est que les gravures anciennes en côtoient d'autres qui semblent beaucoup plus récentes... On pourrait en faire une nous aussi! Voici quelques photos.



Des cultures en étage en contrebas. Le lendemain, nous sommes redescendus entre ces champs.


Les fameuses gravures.

En passant près d'une bergerie (enclos fermé où ils mènent les bêtes la nuit), nous avons entendu Bêêê bêêê sans voir de chèvre. Rachid nous a dit que c'était des bébés trop jeunes pour sortir qui étaient cachés et qui attendaient leur maman. Nous avons demandé si nous pouvions aller les voir. Le berger est descendu dans l'enclos, est revenu avec les deux chevreaux et nous les a mis dans les bras. Il fallait voir le visage d'Aimée à ce moment!!! Elle semblait dire "Mais, mais qu'est-ce que je dois faire avec ça moi?"



Notre tente et la tente-cuisine sur le plateau. On voit aussi les chèvres qui rentrent à la bergerie pour la nuit.

Ce soir-là, nous sommes partis avec nos sacs de couchage jusqu'au bout de la falaise où nous nous sommes installés. Le halo de Marrakech et les lumières de la vallée étincelaient. La nuit révélait aussi tous les petits villages dans la montagnes dont les timides lueurs pouvaient être confondues avec les étoiles du ciel. Moment magique.

Le lendemain, nous sommes redescendus par un autre chemin. Nous sommes passés par une zone cultivée. Nous avons goûté au fruit du noyer, ce que nous appelons la noix de Grenoble. Mais elle était toute fraîche, cueillie dans l'arbre! Le goût et la texture sont très différents! Nous avons dîné au village (tajine de chèvre, Aimée n'a pas vraiment apprécié...), puis nous sommes reparties vers la vallée.



Rachid est venu avec nous jusqu'à Marrakech, car nous n'avions pas assez d'argent pour le payer (c'était prévu d'avance). En chemin, il nous a raconté comment sa femme a accouché de leur première fille. Pour le premier enfant, les femmes de son village vont au centre de santé dans la vallée. Mais comment descendent-elles dans la vallée? A dos de mule? Mais non, nous dit Rachid, c'est beaucoup trop long et ça brasse trop? Mais alors comment? Il tapote ses épaules. Quoi, pas sur ton dos? "Eh bien on prend deux poteaux de métal qu'on fait tenir ensemble avec de la corde, on les met sur nos épaules et on met la femme dessus. Après, on part à 10 hommes et on se relaie rapidement pour ne pas se fatiguer. Et on descend en ligne droite sans se préoccuper des zigzag du sentier. En 15 minutes, on est en bas!" Oulala! On comprend pourquoi les enfants suivants naissent à la maison!

Ce soir-là, on a invité Rachid à manger une crème glacée dans la chaleur accablante de Marrakech. On a été un peu tristes de le laisser partir. Puis, on a essayé de dormir. Le lendemain, on est parties tôt à l'aéroport pour profiter de l'air climatisé. C'est ainsi que s'est terminé notre séjour au Maroc après 28 jours.

Geneviève

lundi 9 août 2010

Retour en France un peu chaotique

Nous voilà revenues en France depuis déjà un moment, mais nous n'avions pas encore eu le temps de raconter notre retour. Attachez votre tuque, ça n'a pas été facile!

Après une nuit passée à Marrakech à 45 degrés et plus, nous avions quand même hâte de quitter cette ville. Quitter le Maroc nous faisait quand même un pincement au coeur. Mine de rien, on y a fait tout un bout de chemin et on en a appris des choses! Mais le billet d'avion était acheté et, de toute façon, il faut bien repartir un jour. Nous sommes donc parties vers l'aéroport d'où nous avons pris l'avion pour un vol sans histoire. C'est à l'arrivée en France (à Lyon) que ça s'est corsé...

Nous avions vérifié sur le site de l'aéroport et il devait y avoir une navette d'autobus toutes les 20 minutes. Ce qui n'était pas écrit, c'est que cette navette se termine à 23:45. Le temps de récupérer les bagages, il était 12:15... Plus de bus... Hmmm, on fait quoi? On a réservé et versé un acompte dans un hôtel en plus... Pas le choix, on va prendre un taxi... Ce taxi nous coûtera la modeste somme de 68 euros. Au Maroc, on aurait vécu au moins trois jours là-dessus!!! Bobo au porte-feuille!

Le taxi nous dépose devant notre hôtel. Quelques jours plus tôt, on a fait la réservation dans un café Internet mal éclairé. Nous avons inscrit notre arrivée pour le 5 août à 1:00 du matin et c'est pile l'heure à laquelle on arrive. Sauf que la porte est barrée et qu'il n'y a personne. C'est fermé! Ah! il y a un distributeur de clés à côté de la porte. Oups... il inscrit <>. On fait quoi? On est là au beau milieu de la nuit, sans connaître la ville et sans autres adresses... Je me rappelle la promesse faite à Annik de ne pas dormir sur un banc de parc. Sur un parvis d'hôtel, ça compte? Le problème le plus urgent pour Aimée est de trouver une toilette. Elle aborde donc un homme qui arrive en voiture, souhaitant se faire indiquer un resto 24h ou une boîte de nuit. L'homme ne connaît pas le coin, mais dort au même hôtel que nous et a les clés de la porte. Il nous laisse entrer et... on installe tout notre barda dans la salle à manger! On s'installe pour dormir sur nos tapis de sol, par terre, à côté des muffins... Heureusement, il y a aussi une toilette accessible à côté. La belle vie!

Je me réveille au milieu de la nuit avec de gros frissons. Incapable de me rendormir. Un peu plus tard, j'ai un peu mal au coeur. Je vais marcher en rond dehors, sous la bruine pour prendre l'air. Trente minutes, une heure. Je me transforme en somnambule. Je tombe finalement endormie par terre sur le parvis de l'hôtel avec mes souliers pour bloquer la porte d'entrée!

Le lendemain matin, je vais un peu mieux, mais il n'est pas question que je mange! J'ai à peine dormi deux heures. Aimée n'a presque pas dormi elle non plus. Une première femme arrive et nous demande ce qu'on fait là. Il faut attendre la troisième femme, une heure plus tard pour qu'on nous donne une chambre. L'erreur est partagée, car il était écrit en petits caractères sur le site que l'hôtel fermait à 22:00. Quand même, leurs commentaires comme , et ne sont pas très constructifs!

On a à peine le temps de prendre une douche, puis on part rejoindre Tancrède. Je suis fiévreuse (38,2 au thermomètre) et épuisée. On passe près de deux heures très agréables à discuter avec lui, puis je vais faire une sieste pendant que lui et Aimée vont dîner. Dormir me fait du bien et quand je me réveille, plusieurs heures plus tard, je peux envisager me nourrir un peu. Aimée me fait chauffer de la soupe. Ca y est, la fièvre tombe et je guéris. Je suis réparée, ouf!

On peut poursuivre...

Geneviève