lundi 10 mai 2010

Écho

« Back in the days when I first registered, I was that idealistic prick who had just recently discovered the joys of traveling. Woah, I remember the craving for knowledge, that mere impression how every mile you hitch, you're getting more and more connected to the world. Each new country you step in, you're becoming a better person.

Bull. Shit.

I'm just another middle class white kid with a stupid backpack. I might buy recycled toilet paper, eat lentils and ride a bike everyday, I still travel about once a year and leave a 5 tons trail of crap behind. Travelling is not a "right", it's not something you should do when you're bored. It's a privilege that's almost unique to ou generation and it's something you should do for a reason. »

Extrait du profil de Philippe Lopez, sur le site CouchSurfing


En 2007, c'est un peu pour ça que je partais : un goût d'aventures, un optimisme tout frais, pas encore usé à propos du genre humain et une envie brûlante de tout connaître, de tout savoir, de tout comprendre. J'allais découvrir là-bas et revenir comme transformée par le voyage. Je partais à l'aventure et je m'en allais faire des découvertes qui allaient changer ma vie, peut-être même lui donner un sens nouveau. Ne dit-on pas que le voyage forme la jeunesse ?

La grande révélation de soi comme du monde, à travers le voyage, ça tient beaucoup plus du mythe plus que de la réalité. Soit dit en passant, le sujet n'est pas totalement nouveau, d'autres gens ont déjà écrit là-dessus. Quand je remettrai la main sur un livre de récits de voyages (et de vie) que j'ai lu il y a à peu près deux ans, je vous mettrai la référence ici. Bon livre sympathique, réflexions intéressantes... Je le prêterai volontiers à qui veut le lire.

Enfin. En 2007, je m'en allais apprendre sur là-bas et faire des nouvelles rencontres. Cependant, ce qui a réellement été le plus marquant, c'est la distance que j'ai prise par rapport à l'ici. C'est pas là-bas que le voyage m'a permis de connaître un peu mieux, mais ici. « Connaissance » et « savoir », sont des mots dont je me méfie depuis janvier 2009. Je vais donc préciser ce que j'entends par « connaître un peu mieux ». « Connaître un peu mieux », c'est juste envisager les choses sous un autre angle. Si je pouvais tout savoir, tout connaître et tout comprendre d'une chose, j'aurais une vision parfaite de toutes ses facettes en instantané, une compréhension totale de ses relations avec tout ce qui existe et une vaste conscience de ses changements dans le temps et l'espace. Bref, ma pauvre subjectivité ne suffira jamais à la tâche, je fais donc mon deuil de la connaissance absolue. Revenons donc aux mouton (vus en grand nombre en Écosse, précisément à l'été 2007, brouter et trottiner un peu partout avec leurs spots de peinture sur le dos). Mon petit bonhomme de chemin en Europe cet été-là m'a juste permis de jeter un regard un peu différent sur l'ici. En revenant, je faisais donc quelques constats plus ou moins insignifiants : à quel point nos routes sont plates et larges, l'état avancé de l'étalement urbain, la quantité d'eau dans les cuvettes de toilettes... J'en faisais aussi d'autres, peut-être un peu moins insignifiants. Je me suis dit que, finalement, on tenait peut-être à peu près autant du fleur de lys que de la rose, à aimer le cheddar autant que le brie, Brassens autant que les Beatles. J'ai aussi rencontré une Américain vraiment cool à Galway, là j'ai réalité que "ils" n'étaient donc pas tous comme Bush. Il y avait aussi une Ontarienne super sympathique à Mallaig, on avait jasé un peu sur l'Écosse et nos projets de voyage respectifs, candidement. J'ai constaté que l'Américaine et l'Ontarienne avaient sensiblement les mêmes valeurs que moi. L'immensité de ma surprise, ça n'était que le reflet de l'immensité de mes préjugés. C'est là que j'ai commencé à réviser mes convictions politiques. Soit dit en passant, des préjugés, j'en ai certainement beaucoup d'autres que je ne connais même pas pour l'instant. D'ailleurs, ils s'apprêtent peut-être à me péter en pleine face. Qui sait, je vais peut-être en apercevoir un qui se cache dans mon packsac, en traversant pour Tanger, ou même plus tôt, en marchant dans Paris...

L'expérience du voyage n'est pas insignifiante, mais la révélation miracle sur le sens de la vie, je l'attends toujours et je pense que je vais l'attendre longtemps. En fait, je ne l'attends plus. Je suis maintenant convaincue que la rencontre de certains lieux et de certaines personnes peut déclencher des transformations, mais là encore, rien ne tient de la magie, mais plutôt de la possibilité d'adopter un point de vue qu'on n'avait pas envisagé au départ, et dont on ne connaissait peut-être même pas l'existence. La nuance est importante : un voyage n'est ni une course au trésor, ni un laisser-passer vers la transformation magique de sa petite personne. C'est simplement changer momentanément le contexte de son existence. Après ça, le changement de contexte, on en tire ce qu'on peut ou ce qu'on veut... Encore faut-il se donner la chance !

J'existe dans le monde et le monde existe en moi. Quand je voyage, je ne me trouve que dans une position un peu différente face au monde et moi-même, rien de plus, rien de moins. Ça n'a rien de magique, d'autant plus que pour procéder au changement de position, il faut d'abord accepter le déplacement du point de vue. Ça fait écho à la théorie des paires de lunettes de Geneviève.


Aimée

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